La répétition.
Un des aspects du Tai Chi Chuan qui surprend souvent le néophyte est celui de la perpétuelle répétition du même enchainement. Comment peut-on effectuer toujours les mêmes gestes pendant dix, vingt, trente ans ?
En effet, l'aspect répétitif est bien réel dans le Tai Chi Chuan. C'est toujours le même mouvement d'une fois sur l'autre. Il est nécessaire de le faire, faire et refaire encore, pour accéder aux secrets du TCC.
Mais à un autre degré, l'aspect répétitif n'est qu'apparent et illusoire. Un mouvement n'est jamais le même, car il est chaque fois plus riche de son expérience; un enchainement n'est jamais comme un autre, de la même façon que "personne ne peut se baigner deux fois dans la même rivière" (Héraclite).
En définitive à l'intérieur du cadre apparemment "immuable" de l'enchainement du TCC, on trouve autant de variantes que de fois où on l'exécute.
Si l'on considère la répétition de l'acte par rapport à l'étude du TCC, on peut imaginer des cycles d'apprentissage à l'intérieur de l'exécution du même mouvement, une chronologie plus ou moins ordonnée dans les étapes qui mènent au geste enraciné et centré.
Une des premières étapes d'apprentissage consisterait à bien entendre les indications du professeur, les réentendre au fur et à mesure que le geste s'accomplit. Entendre une fois ne suffit pas, il faut se donner la peine de réécouter attentivement les explications, se souvenir et se répéter les paroles entendues, qui peuvent avoir des significations à plusieurs niveaux.
Parallèlement à cette première approche, il s'agit aussi de reproduire le mouvement en copiant, simplement. Pour cela il est utile de s'installer confortablement, pendant un certain temps, dans la pratique et, avec humilité, se contenter de mimer le modèle.
Une autre étape dans l'étude du TCC est aussi de voir. Le regard est une aide essentielle bien que trompeuse. Le geste du Maître est toujours le même, le regard change. Il est nécessaire d'observer le Maître ou l'enseignant pour comprendre la relation entre ce qu'il explique et ce qu'il fait. Il est intéressant par exemple de le regarder avec attention pour s'imprégner de l'image de son mouvement et ensuite de faire défiler mentalement la séquence visuelle mémorisée tout en l'exécutant. On peut suivre ainsi le chemin proposé, l'erreur ou l'imprécision commise se reconnait par sa discordance.
Prendre le soin de constater, de vérifier que son mouvement reflète ce que l'on a entendu et vu est également une étape. Le faire d'abord intérieurement en étant sincère et honnête dans sa pratique; puis extérieurement en s'assurant de ne pas être dans l'illusion du geste incorrect, de ne pas être en désaccord avec ce que l'on croit faire et ce que l'on fait.
Enfin se corriger pourrait être l'ultime phase d'un cycle d'apprentissage. Il ne s'agit pas de répéter mécaniquement mais de répéter d'une manière critique, tout en cherchant à faire sienne l'expérience et à découvrir cette expérience de ce qui nous à été expliqué : les corrections du professeur, ce que l'on a entendu, vu et constaté doivent servir à l'évolution de la pratique.
Il faut se tenir prêt à changer sa façon de faire, s'interroger sur la manière juste de faire. La remise en question doit se glisser dans les moindres recoins des parcours de la conscience et de l'énergie.
Cependant, il est sage de ne pas démolir ses fondations et de chercher à s'améliorer en finesse, à intégrer les subtilités de l'action. Ne pas troquer un excés contre un autre, explorer le nouveau en gardant ses racines, sans systématisation mais avec sincérité, sagacité, simplicité.
Un cycle d'apprentissage tel que celui énoncé ci-dessus peut être recommencé indéfiniment à des niveaux différents. On peut ajouter à chaque tour des degrés supplémentaires comme on dessinerait une spirale où le cercle ne repasserait jamais au même endroit. Mais il est manifeste que chacun a sa propre façon d'intégrer un mouvement. Il ne peut y avoir de méthode préétablie, le corps et le mental de chacun fonctionnant de manière différente.
Nous ne nous sommes tenus ici qu'a un petit aspect de la répétition du mouvement dans l'apprentissage du TCC. Il s'y crée une intimité qu'il est difficile de dévoiler et la pudeur ne permet parfois que d'aborder les aspects les moins profonds.
L'étudiant en TCC découvrira aussi qu'a ces niveaux d'étude, ses capacités de reproduire le geste varieront selon les jours, les heures du jour, les saisons, le climat, la pression atmosphérique, le lieu, la qualité du sol, le groupe de pratiquants, l'énergie du groupe, selon ses dispositions physiques, émotionnelles et mentales du moment, etc...et que, rien ne presse.
Il y a des périodes où l'on progresse, d'autres où l'on prend le temps de digérer ses acquis, d'autres où l'on peut avoir l'impression de régresser, d'autres où l'on se contente de pratiquer..., et aussi des périodes où l'on se fait tout simplement grand plaisir à pratiquer!