- La constance de la pratique.
Pour développer l'énergie dans le mouvement, il est nécessaire de pratiquer le Tai Chi Chuan avec constance et avec patience. Pratiquer ne signifie pas être réglé de façon rigide mais maintenir une continuité de l'exercice. A certains moments, vous pouvez sentir qu'il est bon de pratiquer avec une intensité particulière; cela dépend de chacun. La constance elle-même, qui se distingue de l'observation d'une régle extérieure, développe cette sensibilité du rythme personnel.
L'exercice n'est pas la monotonie mais le renouvellement de la pratique et son approfondissement. Par lui se développe une présence à soi-même et au monde de plus en plus vaste. Il permet d'ouvrir la sensibilité, d'harmoniser le mouvement, de calmer l'agitation. Le danger peut être de vivre la pratique d'une façon lourde et mécanique, il faut y prêter attention. L'exercice, dans sa profondeur, est mystérieux.
- La précision du geste.
Les enchainements des mouvements du Tai Chi Chuan paraissent souvent difficiles aux débutants. Il n'est pas possible, en effet d'intégrer immédiatement la stabilité et la finesse des mouvements; cela demande du temps. L'important est de pratiquer avec une attention sincère, sans crispation, en respectant les principes enseignés. Peu à peu, l'entrainement permet d'accéder à une précision de plus en plus grande du geste. La précision est trés importante non seulement parce qu'elle donne au mouvement son sens, sa direction, sa structure, mais également parce qu'elle développe la sensibilité et la vraie fluidité.
- La sensibilité et la technique.
Devenir de plus en plus sensible dans le mouvement ne signifie pas s'y diluer sans racines. Devenir de plus en plus précis dans la technique ne signifie pas devenir technicien. La pratique, au sens noble du terme, n'est pas simplement l'apprentissage d'une forme particulière de mouvement; c'est aussi une perception sensible et ouverte de l'énergie et de l'espace. Il arrive que, dans la pratique, on ait l'impression de gagner en sensibilité et de lâcher un peu la technique ou bien de gagner en précision et dêtre moins sensible. Mais la pratique bien sentie unit ces deux pôles. Il s'agit progressivement de devenir un avec la technique. Etre la technique, au sens profond, c'est être présent, c'est sentir, c'est s'oublier dans le mouvement. Alors le Tai Chi Chuan est un art et une méditation.
- Demeurer débutant.
Lorsque l'on commence à pratiquer le Tai Chi Chuan, se révèle fréquemment en soi-même une nouvelle façon de sentir le corps, le mouvement, l'espace, l'énergie. Cette nouveauté est belle mais elle ne repose pas encore sur une sensibilité ferme et souple qui ne s'acquiert qu'au long d'une pratique constante. Celle-ci développe la précision, la mobilité, la circulation du souffle intérieur, la capacité d'émettre et de recevoir. Après les premiers débuts de sensibilité éveillée, il n'est pas toujours aisé d'y demeurer car l'intégration nécessaire de l'art du Tai Chi Chuan et de sa rigueur est un véritable apprentissage et une initiation. Avec des tours et des détours, telle une spirale, l'évolution de chacun est différente et prend sa densité lorsqu'elle s'unit au mouvement personnel de vie. Conduite avec sincérité et vigilance, la pratique peut s'expliquer alors, parfois pour un moment seulement, puis de plus en plus fréquemment, avec une nouvelle sensibilité. Lorsque l'on a éprouvé cette résonance, même pour de courts instants, on sait qu'elle est présente. Cette ouverture rejoint le débutant que l'on a été; il est important d'y prêter attention pour l'acceuillir. Cette nouvelle façon de sentir, aprés plusieurs années de pratique, peut donner parfois le sentiment que l'on a perdu de sa capacité technique; cependant, si l'on fait confiance à ce qui se manifeste, on touche à la voie d'une transformation. C'est le signe de la rencontre entre la roue de l'énergie en soi-même et une sensibilité qui peu à peu se dépouille du souci de parvenir à une fin. Devenir débutant est alors une expérience qui se renouvelle sans cesse.